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La lévothyroxine traite certains troubles du comportement

La lévothyroxine traite certains troubles du comportement

5 juillet 2019

LA LÉVOTHYROXINE TRAITE CERTAINS TROUBLES DU COMPORTEMENT

 

Agressivité, peur, anxiété, tristesse, hyperactivité et troubles du sommeil associés à une hypothyroïdie sont améliorés grâce à l’administration de cette molécule.

La lévothyroxine (ou T4) est le traitement de l’hypothyroïdie chez le chien. Son utilisation est aussi recommandée en pathologie comportementale canine comme adjuvant dans le traitement des troubles du comportement du vieux chien (P. Pageat, 1998). En effet, les hormones thyroïdiennes ont une action métabolique globale, puisqu’elles accroissent les métabolismes protéiques, glucidiques et lipidiques en activant l’activité enzymatique au sein des noyaux de toutes les cellules de l’organisme.

Une surcharge pondérale (même si elle n’est présente que chez environ 40% des chiens hypothyroïdiens) et des troubles dermatologiques chroniques constituent les symptômes classiquement décrits de l’hypothyroïdie canine. Sur le plan comportemental, la dépression est le signe le plus connu concernant cette maladie. Toutefois, une hyperactivité et une agressivité augmentées (G. Le Taron, 2009) peuvent aussi constituer des symptômes. Comme pour les autres signes cliniques d’hypothyroïdie, ces derniers sont réversibles avec une supplémentation en lévothyroxine.

L’efficacité de la lévothyroxine estmontrée, surtout sa rapidité d’action

En médecine comportementale, certains chiens ne répondent pas ou partiellement aux traitements psychotropes classiques. D’autres présentent des signes cliniques qui évoquent une hypothyroïdie, mais dont le diagnostic biologique n’est pas toujours établi. Ces deux éléments justifient l’administration de lévothyroxine seule ou associée à un traitement psychotrope déjà en place, pour améliorer le comportement de l’animal et corriger éventuellement les symptômes évocateurs d’un trouble thyroïdien.

Afin d’évaluer l’efficacité de la lévothyroxine chez des chiens atteints de troubles du comportement associés à certains signes cliniques, une étude prospective a été mise en place, dans le cadre d’une thèse* soutenue par notre consoeur Ségolène Courtin-Donas. Cette étude montre l’intérêt de la lévothyroxine dans certains troubles du comportement, et surtout sa rapidité d’action.

Les chiens inclus ont tous fait l’objet d’une consultation pour des troubles du comportement. Ils présentent au moins un signe comportemental et un symptôme clinique évoquant une hypothyroïdie parmi vingt-quatre items (voir encadré). Seize chiens sont finalement retenus (six femelles, dix mâles). La durée de l’étude est de cinq semaines : pendant les deux premières, les animaux reçoivent de la lévothyroxine une fois par jour à la dose de 20 µg/kg, puis pendant les deux semaines suivantes 30 µg/kg une fois par jour. La supplémentation est ensuite suspendue pendant une semaine. Des dosages de la thyroxine (T4), de la thyroid stimulating hormone (TSH) et du cholestérol sont réalisés à J0, J14, J28 et J35. Un suivi clinique à l’aide d’une grille (vingt-quatre items) est effectué à J0, J14, J28 et J35 avec l’établissement d’un score.

Un diagnostic thérapeutique d’unmois avec la T4 est envisageable en pratique

Les valeurs de T4 et de TSH varient significativement entre J0 et J28, mais après une semaine d’arrêt de la supplémentation, elles ne sont pas significativement différentes de celles de J0. L’agressivité, qui représente le motif de consultation pour douze chiens, diminue nettement pour six d’entre eux à J14. A J28, seulement un chien est encore agressif. Après l’arrêt de la lévothyroxine, un effet rebond est constaté puisque trois chiens montrent de nouveau de l’agressivité en moins de sept jours.

 

 

Des signes d’anxiété exacerbée caractérisés par un hyperattachement et notamment l’impossibilité de rester seule (destructions et hurlements) se manifestaient depuis deux semaines chez cette chienne de dix-huitmois. Auparavant,elle n’avait jamais présenté de tels symptômes. Dès le début de la supplémentation en lévothyroxine (sans ajout de psychotrope), les signes ont disparu. Noter l’alopécie diffuse, l’hyperpigmentation cutanée et le myxoedème.

De la même façon, sur les treize animaux qui présentent de la peur ou de l’anxiété, seulement cinq manifestent encore de l’anxiété à J28 (62% de réussite). L’effet rebond est également constaté dans la semaine qui suit l’arrêt de la supplémentation.

Les signes de tristesse ou de dépression notés chez sept chiens à J0 disparaissent pour 86% d’entre eux à J28 et réapparaissent pour trois d’entre eux à J35.

Les signes d’hyperactivité et de déficit d’autocontrôle sont observés chez douze chiens sur seize. A J28, trois sur quatre montrent un comportement plus calme. La rechute est encore constatée après une semaine d’arrêt chez près de 80% des chiens “calmés”.

Les troubles du sommeil (insomnie nocturne) présents chez sept chiens disparaissent complètement dès la première semaine et réapparaissent dès l’arrêt de la supplémentation. Les signes métaboliques (appétit, boisson, fatigabilité, intolérance aux variations de température) diminuent progressivement et significativement au cours des quatre semaines, ce qui est moins net pour les symptômes cutanés.

Cette étude montre, pour la première fois, l’action rapide de la lévothyroxine sur des signes comportementaux bien identifiés et la réversibilité de cet effet lors de l’arrêt de la supplémentation. Elle permet de confirmer qu’une supplémentation de quatre semaines de lévothyroxine n’induit pas de modifications prolongées des valeurs de T4 et de TSH.

Ces résultats attestent qu’un diagnostic thérapeutique d’un mois – effectué quand les résultats biologiques ne confirment pas l’hypothèse clinique d’une hypothyroïdie – ne risque pas d’induire une dérégulation du système thyroïdien.

 

Ce berger allemand de deux ans présentait depuis quelques semaines de l’agressivité (agressions par irritation) envers des personnes qui s’approchaient de lui (phobie sociale).

Noter l’amyotrophie (posture très laxe) et lemyxoedème. Dès les première semaines de supplémentation en lévothyroxine, il est redevenu sociable.

 

 

 

 

 

Noter l’alopéciediffuseet l’hyperpigmentation chez cette

chienne hypothyroïdienne qui montrait de l’agressivité autour

de sa gamelle de croquettes alors qu’elle était hyporexique.

 

 

 

Critères d’inclusion

  • Signes comportementaux

– agressivité : envers une ou plusieurs personnes de l’entourage, envers des congénères ou d’autres animaux, envers des personnes inconnues, au toucher (caresses, brossage, sur le lieu de couchage), en fin de journée ou après un effort ;

– peur et anxiété : devant certains objets ou contextes (rue, par exemple), vis-à-vis de personnes de l’entourage, face à des personnes inconnues, face à des congénères, crise d’angoisse sans objet ou lors de solitude (avec vocalises, destruction et/ou malpropreté, fugue) ;

– tristesse et apathie : survenue d’un état de perte d’intérêt pour toute activité (promenade), sorte de “coup de vieux ”, le chien reste toujours couché ;

– malpropreté ;

– hyperactivité, déficit d’autocontrôles, trouble obsessionnel compulsif.

  • Signes cliniques

– peau : mue permanente, alopécie diffuse ou localisée (flanc et chanfrein), modification de la texture du pelage, dermatoses fréquentes, états kératoséborrhéiques, peau épaisse (ou myxoedème), hyperpigmentation de la peau, truffe dépigmentée et/ou sèche, blépharite et/ou conjonctivite ;

– métabolisme : obésité, maigreur, troubles digestifs (diarrhée), polyuro-polydipsie, boulimie, hyporexie, dysorexie, fatigabilité élevée, hypersomnie diurne, tachypnée, frilosité, intolérance à la chaleur, hyposomnie et/ou dysomnie nocturne.

 

BIBLIOGRAPHIE

 

  • Collectif :« Hypothyroïdie canine », proceedings de la Journée du Gedac,18/9/2008.
  • S. Courtin-Donas :« Troubles du comportement améliorés par la lévothyroxine chez le chien : étude expérimentale », Lyon, janvier 2009.
  • V. Dramard, E. Benoit :« Endocrinologie canine et féline : comportement, une approche des dysendocrinies », Point Vét.,2004, vol. 35,

n° spécial « Les traitements en comportement du chien et du chat », pp. 40-43.

  • V. Dramard :« Vade-mecum de pathologie du comportement du chien et du chat », éd.Med’com, 2e édition, Paris, 2007.
  • F. Garnier et coll. :« Endocrinologie des carnivores domestiques : quoi de neuf ? », La Dépêche Vétérinaire, supplément technique

n° 106, 2007.

  • G. Le Taron and coll. :« Clinical evaluation of a novel liquid formulation of L-thyroxine for once daily treatment of dogs with

hypothyroidism », J. Vet. Inter. Med., 2009, vol. 23, pp. 43-49.

  • P. Pageat :« Pathologie du comportement du chien », éd. Point Vétérinaire,1998.

 

Valérie Dramard,

consultante en comportement à Lyon (Rhône) et Paris.

Article rédigé d’après la thèse de Ségolène Courtin-Donas* :

« Troubles du comportement améliorés par la lévothyroxine chez le chien : étude prospective ».

* S. Courtin-Donas : « Troubles du comportement améliorés

par la lévothyroxine chez le chien : étude prospective »,

thèse vétérinaire, Lyon 2008.

 

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