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Hypothyroïdie et « fatigue surrénale » chez le chien

Hypothyroïdie et « fatigue surrénale » chez le chien

13 février 2025

un cas clinique : Gypsie, un sauvetage réussi ! 

Introduction

Chez le chien, une hypothyroïdie peut être associée à un hypocorticisme, et à l’instar de ce qui est décrit en médecine humaine, une « fatigue surrénale » (hypocorticisme secondaire) peut même expliquer que le traitement de patients hypothyroïdiens à base de lévothyroxine (T4) soit difficile à ajuster et peu efficace[1] (encadré1).
Le cas de Gypsie illustre les graves conséquences métaboliques que peut induire cette double dysendocrinie si elle n’est pas soignée.

Hypothyroïdie et hypocorticisme primaires et secondaires

  • L’hypothyroïdie et l’hypocorticisme sont deux dysendocrinies qui induisent un ralentissement métabolique ou hypométabolisme. Elles peuvent être primaires – c’est-à-dire liées à une hyposécrétion provoquée par une affection des glandes, en l’occurrence de la thyroïde pour l’hypothyroïdie et des surrénales pour l’hypocorticisme – ou secondaires, c’est-à-dire provoquées par une autre cause (comme une insuffisance hypophysaire par exemple).
  • Les spécialistes s’accordent sur le fait que l’hypothyroïdie primaire et l’hypocorticisme primaire – l’origine étant confirmée par les examens biologiques – sont soignées par une supplémentation hormonale, mais qu’il ne convient de ne pas supplémenter quand l’origine n’est pas déterminée, donc lors d’une hypothyroïdie et/ou un hypocorticisme secondaires.

Anamnèse

Gypsie, femelle stérilisée, croisée berger de 11 ans, devait être euthanasiée le jour du rendez-vous. Mme S., sa nouvelle famille d’accueil a pris l’initiative il y a 15 jours de la prendre chez elle pour tenter de la sauver car le refuge ne trouvait pas d’autre issue. Elle souffre en effet depuis plusieurs mois de troubles digestifs très importants (diarrhée profuse et vomissements avec polyphagie et pica) au point qu’elle est devenue cachectique : elle pèse 7kg quand elle la récupère (SC 1/9), présente une alopécie sur presque tout le corps, elle tient à peine sur ses pattes et est très douloureuse (photo1). « Elle n’était plus que l’ombre d’elle-même » dit Mme S.

La chienne a été abandonnée 9 mois plus tôt, ses maîtres ne pouvant plus la garder et la soigner. Elle est stérilisée puis est placée en famille d’accueil, mais son état se dégrade (troubles digestifs continus, amaigrissement, perte de poil, douleurs diffusent). Malgré les nombreux examens complémentaires (NF, biochimie[2], imagerie) et les différentes thérapeutiques (antidiarrhéiques, anti-vomitifs, antiparasitaires, anti-infectieux, corticoïdes, …avec changements de croquettes). Elle retourne au refuge parce que la famille d’accueil n’en peut plus. En 1 an, elle a perdu presque 10kg (16,5kg-7 kg). Après 3 mois, Mme S. décide de la prendre chez elle et, « puisqu’il n’y avait plus rien à perdre », initie de son propre chef l’administration de lévothyroxine (25 µg/kg sid)[3].

Gypsie souffre depuis plusieurs mois de troubles digestifs très importants. Elle est cachectique : à J0, elle pèse 7 kg, présente une alopécie sur presque tout le corps, tient à peine sur ses pattes et présente de la douleur

En 15 jours, avec la supplémentation en T4 et le passage à l’alimentation ménagère, Gypsie prend 1 kg, les diarrhées et les vomissements « en jets » sont plus rares et vite atténués par de l’ultra-levure ; elle ne mange plus de cailloux mais la polyphagie persiste. Elle est un peu plus tonique mais son poil ne repousse pas.

Hypothèses diagnostiques

Devant ce tableau clinique, les échecs thérapeutiques précédents, au vu des résultats biologiques réalisés les mois précédents, l’hypothèse d’une hypothyroïdie peut être associée à un hypocorticisme est évoquée.

Traitements et suivi

Comme la supplémentation en T4 a apporté une amélioration sensible mais partielle, l’apport de T4 est ajusté (12 µg/kg bid) et de la T3 est apportée progressivement par de l’Euthyral®.

Dix jours plus tard, la chienne pèse 9,3 kg (+ 2,3k en 25j). Les progrès sont remarquables tant sur le plan physique (moins de diarrhée, pas de vomissement, pas de pica), repousse des poils, et meilleure tolérance au contact (il est possible de la caresser), mais aussi du comportement (meilleure humeur, plus enjouée, moins anxieuse). Toutefois, les selles sont généralement moulées le matin, mais souvent très liquides le soir. La polyphagie persiste, elle reste maigre.

Après 2,5 mois de supplémentation en T4 et en T3 un dosage de contrôle est effectué :  T4totale : 73 nmol/l, T4 libre : 19 pmol/l, cortisol : 100 nmol/l. Ces résultats n’évoquent pas un hypocorticisme primaire mais n’exclut pas une « fatigue surrénale » qui expliquerait que la T4l est << T4t (encadré 2).
La supplémentation hormonale (T4+T3) est donc complétée par de l’hydrocortisone (= cortisol) dont la dose sera augmentée progressivement en fonction de l’évolution clinique.

Après 6 mois, le bilan clinique et comportemental évalué par Mme S est de 8/10. Gypsie ressemble à un chien normal (photo 2) : elle est affectueuse, joyeuse, endurante à l’effort, son pelage a complètement repoussé, les épisodes de diarrhée sont devenus très rares et l’appétit est régulé.

Après 6 mois de traitement, Gypsie ressemble à un chien normal : elle est affectueuse, joyeuse, endurante à l’effort, son pelage a repoussé, les épisodes de diarrhée sont très rares et l’appétit est régulé

Cortisol, T4 et rT3

La cortisolémie influe le métabolisme de la T4.
Plus la cortisolémie est basse (hypocorticisme),

> plus la conversion de la T4 en reverseT3 ou rT3 (« la mauvaise T3 » non active) augmente au dépens de la T3 (« la bonne T3 », celle qui active la transcription génétique),
> plus la quantité de protéines de transport de la T4 dans le sang augmente (chez l’Homme, elle augmente la TBG), la valeur de la T4t dosée sera alors surestimée.
En résumé, si la cortisolémie est basse, la T4 totale sera bien supérieure à la T4 libre (la T4 disponible qui pénètre dans la cellule), la TSH restant basse.

Conclusion

1 – Les simples dosages de T4 totale et de TSH ne suffisent pas pour explorer une hypothyroïdie. La valeur de T4 libre est importante surtout si elle est associée à un dosage de cortisol (avec si c’est possible un test acth) car un hypocorticisme associé non soigné peut contrarier le traitement de l’hypothyroïdie.


2 – Même si les examens ne confirment pas l’existence d’une hypothyroïdie ou d’un hypocorticisme primaire, une supplémentation hormonale ad-hoc peut être plus qu’utile dans certains cas.

 

[1] Soit la supplémentation en T4 est inefficace quelles que soient les doses prescrites, soit elle est mal supportée, soit les thyroxinémies de contrôle (T4 totale) sont incohérentes et très variables, ce qui ne permet pas d’ajuster le traitement hormonal

[2] Les différents examens biochimiques et les numérations formules évoquent un « hypométabolisme » :  une hypoprotéinémie marquée (mais pas d’anémie), une légère hypoglycémie, les autres paramètres biochimiques étant bas ou normal bas. Aucune exploration hormonale n’a été réalisée.

[3] Mme S. avait encore du Lévothyrox® puisque son ancien chien était hypothyroïdien.

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